stendhal.wavTome
premier, Chapitre XI
Les baisers remplis de passion, et tels que jamais
elle n'en avait reçus de pareils, lui firent tout à coup oublier que peut-être
il aimait une autre femme. Bientôt il ne fut plus coupable à ses yeux. La
cessation de la douleur poignante, fille du soupçon, la présence d'un bonheur
que jamais elle n'avait même rêvé, lui donnèrent des transports d'amour et de
folle gaieté. Cette soirée fut charmante pour tout le monde, excepté pour le
maire de Verrières, qui ne pouvait oublier ses industriels enrichis. Julien ne
pensait plus à sa noire ambition, ni à ses projets si difficiles à exécuter.
Pour la première fois de sa vie, il était entraîné par le pouvoir de la beauté.
Perdu dans une rêverie vague et douce, si étrangère à son caractère, pressant
doucement cette main qui lui plaisait comme parfaitement jolie, il écoutait à
demi le mouvement des feuilles du tilleul agitées par ce léger vent de la nuit,
et les chiens du moulin du Doubs qui aboyaient dans le lointain.
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