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Le triomphe d'une insoumise
A ses débuts, on la remarque pour ses récits piquants et ses provocations. Mais la sulfureuse va s'imposer comme une grande plume, sublimant au fil de son oeuvre son amour de la nature et de tous ses plaisirs.

Sidonie Gabrielle Colette mérite mieux que les parfums de scandale qui l'entourèrent longtemps et qu'elle cultiva volontiers. Ni simple paysanne de Bourgogne ou de Provence adepte des termes régionaux et des dictionnaires horticoles, ni grande émancipée du sexe, l'auteur de Chéri ou de La Chatte ne se laisse pas enfermer dans quelques clichés sulfureux ou vaguement romantiques pour téléfilms : elle fut toute sa vie un auteur en quête d'une alchimie littéraire, d'un « alphabet nouveau » composé d'exigence solitaire et d'enivrements sensoriels. Source: Télérama.fr

Sidonie Gabrielle Colette - Ressources AudioVisuelles

http://www3.unileon.es/dp/dfm/flenet/docauteurs.html#Colette

 

Documents audiovisuels sur Colette - Babelio

Vidéos Colette - INA Recherche

Portrait S.G.Colette - Vidéo Dailymotion
La voix de S.G.Colette - Greniers de la mémoire INA

Colette et sa Claudine amoureuse - Canal Academie
LaBibliothèque idéale de Juliette: "Sido"de Colette - Télérama.fr
S.G. Colette: "Nuit blanche" - Audio Texte - Albalearning

 

LITTÉRATURE AUDIO - VIDÉO Flenet Projet

http://www3.unileon.es/dp/dfm/flenet/docauteurs.html

 


Repères : Audio, Colette, Littérature

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Monica Commentaire par Monica le 5 Juillet 2011 à 12 52
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Colette 1 - Audio INA

Première émission d'une série de six entretiens de André PARINAUD et de COLETTE dans lesquels l'écrivain raconte son parcours à travers les
premiers livres qu'elle a écrits.  Elle raconte comment elle a écrit sa série des "Claudine".

 

Colette - Les greniers de la mémoire
Première émission d'une série de deux consacrée à COLETTE et présentée par Karine LE BAIL. Un montage d'extraits musicaux et d'archives sonores illustre sa vie, son oeuvre et son rapport à la musique.

 

La voix de S.G. Colette - Greniers de la mémoire -  Extrait INA

 

Crale Commentaire par Crale le 8 Février 2010 à 12 01


La Maison de Claudine - Wikisource
http://fr.wikisource.org/wiki/La_Maison_de_Claudine

in Scribd

Colette - Gigi
http://www.scribd.com/doc/22835284/Les-principales-oeuvres-de-Colette

Colette - Les vrilles de la vigne
http://www.scribd.com/doc/8668289/Colette-Vrilles

Colette - La retraite sentimentale
http://www.scribd.com/doc/6844131/Colette-La-Retraite-Sentimentale

Colette - Claudine s'en va
http://www.scribd.com/doc/8629750/Colette-Claudine-s-en-Va


in Google Books

Willy Colette, Claudine à Paris
http://books.google.fr/books?id=mzOv5BoGrPkC&printsec=frontcove...

Sidonie-Gabrielle Colette La Maison de Claudine
http://books.google.fr/books?id=iMDdmCQDv1AC&printsec=frontcove...


Tout cela c’est la vie, le temps qui coule, c’est le miracle espéré à chaque tournant du chemin…”

“Je veux espérer et craindre que des pays se trouvent où tout est nouveau, des villes dont le nom seul vous retient, des ciels sous lesquels une âme étrangère se substitue à la vôtre… Ne trouverai-je pas, sur toute la grande terre, un à peu près de paradis pour une petite créature comme moi ? Debout, de roux vêtue, je dis adieu, devant la glace, à mon image d’ici. Adieu, Annie ! Toute faible et vacillante que tu es, je t’aime. Je n’ai que toi, hélas, à aimer. Je me résigne à tout ce qui viendra. Avec une triste et passagère clairvoyance, je vois ce recommencement de ma vie. Je serai la voyageuse solitaire qui intrigue, une semaine durant, les tables d’hôte, dont s’éprend soudain le collégien en vacances ou l’arthritique des villes d’eaux… la dîneuse seule, sur la pâleur de qui la médisance édifie un drame… la dame en noir, ou la dame en bleu, dont la mélancolie distante blesse et repousse la curiosité du compatriote de rencontre… Celle aussi qu’un homme suit et assiège, parce qu’elle est jolie, inconnue, ou parce que brillent à ses doigts des perles rondes et nacrées… Celle qu’on assassine une nuit dans un lit d’hôtel, dont on retrouve le corps outragé et sanglant… Non, Claudine, je ne frémis pas. Tout cela c’est la vie, le temps qui coule, c’est le miracle espéré à chaque tournant du chemin, et sur la foi duquel je m’évade. FIN”

in Colette, Claudine s’en va (dernière page)
Crale Commentaire par Crale le 8 Février 2010 à 10 34


Extrait texte: Colette, Sido

Ô géraniums, ô digitales (1)... Celles-ci fusant des bois-taillis, ceux-là en rampe allumés au long de la terrasse, c’est de votre reflet que ma joue d’enfant reçut un don vermeil. Car « Sido » aimait au jardin le rouge, le rose, les sanguines filles du rosier, de la croix-de-Malte1, des hortensias et des bâtons-de-Saint-Jacques, et même le coqueret-alkérenge1, encore qu’elle accusât sa fleur, veinée de rouge sur pulpe rose, de lui rappeler un mou (2) de veau frais... À contrecœur elle faisait pacte avec l’Est : « Je m'arrange avec lui », disait-elle. Mais elle demeurait pleine de suspicion et surveillait, entre tous les cardinaux et collatéraux3, ce point glacé, traître, aux jeux meurtriers. Elle lui confiait des bulbes de muguet, quelques bégonias, et des crocus mauves, veilleuses des froids crépuscules.
Hors une corne de terre, hors un bosquet de lauriers-cerises dominés par un junko-biloba1 – je donnais ses feuilles, en forme de raie, à mes camarades d’école, qui les séchaient entre les pages de l’atlas – tout le chaud jardin se nourrissait d’une lumière jaune, à tremblements rouges et violets, mais je ne pourrais dire si ce rouge, ce violet dépendaient, dépendent encore d’un sentimental bonheur ou d’un éblouissement optique. Étés réverbérés par le gravier jaune et chaud, étés presque sans nuits... Car j’aimais tant l’aube, déjà, que ma mère me l’accordait en récompense. J’obtenais qu’elle m’éveillât à trois heures et demie, et je m’en allais, un panier vide à chaque bras, vers des terres maraîchères qui se réfugiaient dans le pli étroit de la rivière, vers les fraises, les cassis et les groseilles barbues.
À trois heures et demie, tout dormait dans un bleu originel, humide et confus, et quand je descendais le chemin de sable, le brouillard retenu par son poids baignait d’abord mes jambes, puis mon petit torse bien fait, atteignait mes lèvres, mes oreilles et mes narines plus sensibles que tout le reste de mon corps... J’allais seule, ce pays mal pensant était sans dangers. C’est sur ce chemin, c’est à cette heure que je prenais conscience de mon prix, d’un état de grâce indicible et de ma connivence avec le premier souffle accouru, le premier oiseau, le soleil encore ovale, déformé par son éclosion...
Ma mère me laissait partir, après m’avoir nommée « Beauté, Joyau-tout-en-or » ; elle regardait courir et décroître sur la pente son œuvre, – « chef-d’œuvre », disait-elle. J’étais peut-être jolie ; ma mère et mes portraits de ce temps-là ne sont pas toujours d’accord... Je l’étais à cause de mon âge et du lever du jour, à cause des yeux bleus assombris par la verdure, des cheveux blonds qui ne seraient lissés qu’à mon retour, et de ma supériorité d’enfant éveillé sur les autres enfants endormis.
Je revenais à la cloche de la première messe. Mais pas avant d’avoir mangé mon saoul4, pas avant d’avoir, dans les bois, décrit un grand circuit de chien qui chasse seul, et goûté l’eau de deux sources perdues, que je révérais. L’une se haussait hors de la terre par une convulsion cristalline, une sorte de sanglot, et traçait elle-même son lit sableux. Elle se décourageait aussitôt née et replongeait sous la terre. L’autre source, presque invisible, froissait l’herbe comme un serpent, s’étalait secrète au centre d’un pré où des narcisses, fleuris en ronde, attestaient seuls sa présence. La première avait goût de feuille de chêne, la seconde de fer et de tige de jacinthe... Rien qu’à parler d’elles je souhaite que leur saveur m’emplisse la bouche au moment de tout finir, et que j’emporte, avec moi, cette gorgée imaginaire...
Notes
1 Noms de plantes.
2 Mou : viande pour l’alimentation des chats.
3 Cardinaux et collatéraux : les points cardinaux sont les quatre points de l’horizon (nord, sud, est, ouest), les points collatéraux sont situés entre deux points cardinaux et à égale distance de ces derniers.
4 Manger son saoul : manger jusqu’à en être rassasié.


EXTRAITS - OEUVRES - COLETTE
http://www.aflaurent.com/index.php3?theme=3&soustheme=23&ru...

58 extraits: 

# Claudine à l’école      # Claudine à Paris     # Claudine en ménage   # Claudine s’en va
# Minne     # Dialogue de bêtes           # La retraite sentimentale
# Les vrilles de la vigne    # L’ingénue libertine         # La vagabonde    # L’entrave
# Les heures longues    # Mitsou ou comment l’Esprit vient aux filles
# La chambre éclairée   # Chéri    # La maison de Claudine,   etc.

Bea Anoux Commentaire par Bea Anoux le 7 Février 2010 à 20 00


Carte postale d'Amsterdam de Colette pour son frère Léo - 1930.

"Ça , vieux c'est une ville ! elle est intense et vaste, serrée et énorme, et ces canaux qui sont des chemins à bateaux, à péniches, à bacs, à autos sur des pourtours éclairent toute la ville. Le port, l'arrivée magnifique du crépuscule, tous les feux sur l'eau, quelle merveille !
A bientôt.
Colette."

in Dossiers Historiques - Les voyages de Colette, correspondances inédites
http://musee.laposte.cvf.fr/Chercheurs/Dossiers_Historiques/Les_voy...
Bea Anoux Commentaire par Bea Anoux le 7 Février 2010 à 19 52

Colette, correspondances inéditesFloriLettres_FondationLaPoste_Colette.htm
FloriLettres - La lettre d'information culturelle de la Fondation La Poste

Au sommaire :
Editorial, Colette, correspondances inédites
Entretien avec Michel-Rémy Bieth, collectionneur
Extraits de lettres
Colette : Portrait, par Corinne Amar
Colette, autographes et photographies
Art postal, février 1910

VOIR AUSSI:
Dossiers Historiques - Les voyages de Colette, correspondances inédites
http://musee.laposte.cvf.fr/Chercheurs/Dossiers_Historiques/Les_voy...

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Proverbes:

Faites des bêtises, mais faites-les avec enthousiasme.

Il y a deux sortes d'amour: l'amour insatisfait, qui vous rend odieux, et l'amour satisfait, qui vous rend idiot.

Le voyage n'est nécessaire qu'aux imaginations courtes.

Textes in http://www.proverbes-citations.com/colette.htm

ECOUTEZ Audio:  Colette3citations

Bea Anoux Commentaire par Bea Anoux le 7 Février 2010 à 19 39

Le triomphe d'une insoumise

A ses débuts, on la remarque pour ses récits piquants et ses provocations. Mais la sulfureuse va s'imposer comme une grande plume, sublimant au fil de son oeuvre son amour de la nature et de tous ses plaisirs.

« Ecrire ! Pouvoir écrire ! cela signifie la longue rêverie devant la feuille blanche, le griffonnage inconscient, les jeux de la plume qui tourne en rond autour d'une tache d'encre, qui mordille le mot imparfait, le griffe, le hérisse de fléchettes, l'orne d'antennes, de pattes, jusqu'à ce qu'il perde sa figure lisible de mot, mué en insecte fantastique, envolé en papillon-fée... » Ces lignes tirées de La Vagabonde donnent quelques pistes essentielles pour approcher Colette. On y discerne une exigence pointilleuse vis-à-vis de l'écriture, travail douloureux au point de vouloir s'en échapper ; mais aussi une gourmandise à l'égard des mots. Un amour du rythme, du son, de la scansion poétique. Une façon de défier le langage, de dénicher l'expression la plus juste et de lui rendre gloire. Cinquante ans après sa mort, le 3 août 1954, Sidonie Gabrielle Colette mérite mieux que les parfums de scandale qui l'entourèrent longtemps et qu'elle cultiva volontiers. Ni simple paysanne de Bourgogne ou de Provence adepte des termes régionaux et des dictionnaires horticoles, ni grande émancipée du sexe, l'auteur de Chéri ou de La Chatte ne se laisse pas enfermer dans quelques clichés sulfureux ou vaguement romantiques pour téléfilms : elle fut toute sa vie un auteur en quête d'une alchimie littéraire, d'un « alphabet nouveau » composé d'exigence solitaire et d'enivrements sensoriels.

La liberté, la sensualité, la provocation, tout cela existe bien sûr chez cette femme qui veut jouir de la vie chaque jour et l'exprimer par tous les pores de sa peau, par tous les trésors de sa plume. Elle se raconte sans cesse dans ses romans, ses récits, ses textes courts ; tout en jouant à cache-cache avec la réalité des faits. Les adolescentes frémissantes qu'elle dépeint dès ses premiers romans, les amoureuses vieillissantes qui cachent leur menton affaissé, ressemblent à Sidonie Gabrielle à différentes étapes de sa vie, mais elles s'échappent très vite de ce modèle pour devenir des héroïnes uniques et universelles.

L'aventure commence vers 1895, deux ans après son mariage avec Willy, premier époux de la jeune sauvageonne de Saint-Sauveur-en-Puisaye. Willy le mondain, l'homme à femmes, à la fois mentor et menteur, lui fait découvrir la sensualité et la jalousie, la vie parisienne et celle du music-hall, la puissance de l'écriture et le métier de nègre.

Colette raconte dans Mes apprentissages cette première approche du romanesque... et du mensonge. « Monsieur Willy me dit un jour : Vous devriez jeter sur le papier des souvenirs de l'école primaire, je pourrais peut-être en tirer quelque chose... N'ayez pas peur des détails piquants... » Le piquant ne manquera pas avec les amours de la « dolente » Aimée soumise à la « mauvaise rousse » Mlle Sergent (dans Claudine à l'école), les caresses saphiques de Claudine avec la « troublante » Rézi (dans Claudine en ménage) sous l'oeil plus que bienveillant de Renaud, le mari de Claudine. Mais, à côté de ce libertinage appuyé qui condamnera les premiers romans aux recoins interdits des bibliothèques familiales, on découvre déjà la verve « colettienne », descriptive et généreuse lorsqu'elle parle des grands bois et des sapinières : « Je les aime pour leur odeur, pour les bruyères roses et violettes qui poussent dessous, et pour leur chant sous le vent... »

Tandis que les Claudine triomphent en librairie, Gabri - un des surnoms de Colette (qui est encore le nègre de Willy) - découvre le théâtre, le plaisir de jouer sur une scène, de faire de la pantomime, puis de s'afficher avec ses maîtresses avant d'oser demander le divorce d'avec Willy et d'entamer d'autres liaisons, féminines ou masculines. C'est cette indifférence aux réactions des uns et des autres, ce désir d'indépendance et de jouissance sans tabou, qui font plonger l'écrivain dans ce qu'on appelle aujourd'hui les pages people. Dans les journaux, les échotiers retiennent la vision de la jeune femme nue lors d'un spectacle qui attire le Tout-Paris, les bagarres du public choqué lorsqu'elle embrasse une femme sur la bouche ou se montre dans les boîtes homosexuelles. Le regard ailleurs, Colette affirme : « Le mot "sens moral" n'a pas de signification pour moi. » Ces années de saltimbanque inspireront à la romancière L'Envers du music-hall, sorte de journal de bord sensible et passionnant, véritable réflexion sur un monde de nomades, difficile mais exaltant.

Mais alors que l'écrivain s'installe dans l'ampleur, la puissance d'un style, la distance parfaite, on se méfie encore de celle qui évoque les amours d'une femme mûre pour un jeune homme dans Chéri ou Le Blé en herbe. On cherche les motifs de scandale, négligeant la beauté de romans qui déploient une générosité sensuelle et jouent sur un art du portrait étincelant. « Elle se couchait miséricordieusement de bonne heure pour que Chéri, réfugié contre elle, poussant du front et du nez, creusant égoïstement la bonne place de son sommeil, s'endormît. Parfois, la lampe éteinte, elle suivait une flaque de lune miroitante sur le parquet. Elle écoutait, mêlés au clapotis du tremble et aux grillons qui ne s'éteignent ni nuit ni jour, les grands soupirs de chien de chasse qui soulevaient la poitrine de Chéri. » Dans ces quelques lignes, tirées de Chéri, on voit à quel point Colette conjugue le plaisir et la solitude, le bonheur éphémère et cette osmose avec l'humain, l'animal, le végétal, dans un superbe travail de dentellière.

Mais raconter les choses ordinaires de la vie, avoir envie d'un homme comme on désire une miche de pain, parler des plaisirs saphiques et de la fatigue des corps après l'amour, tout cela fait frissonner les hypocrites. Et la romancière en rajoute, s'amuse à choquer, glisse toujours un brin d'humour et de volupté : « Léa souriait et goûtait le plaisir d'avoir chaud, de demeurer immobile et d'assister aux jeux des deux hommes nus, jeunes, qu'elle comparait en silence: "Est-il beau, ce Patron ! Il est beau comme un immeuble. Le petit se fait joliment. Des genoux comme les siens, ça ne court pas les rues, et je m'y connais. Les reins aussi sont, non, seront merveilleux... Et l'attache du cou, une vraie statue. Ce qu'il est mauvais ! Il rit, on jurerait un lévrier qui va mordre..." » (Chéri).

Il n'est pas étonnant que le féminisme ait trouvé dans son oeuvre nombre de résonances... Jamais l'auteur de L'Entrave ne cessera de prôner la liberté de la femme : liberté physique, droit de choisir et, surtout, indépendance financière. Si Colette décide d'entrer dans le monde du music-hall, du journalisme, du théâtre, c'est aussi, peut-être même d'abord, pour s'assumer financièrement, ne rien devoir à ceux qui partagent sa vie, se libérer de toutes les entraves de la vie quotidienne.

C'est lorsqu'elle se penche sur son enfance, sa famille, sa mère Sido en particulier, qu'elle obtient sa vraie reconnaissance littéraire. Les intellectuels célèbrent enfin son talent, la préférant fille dévouée au souvenir familial qu'amoureuse sans contraintes. Elle nous parle alors de femmes courageuses et pragmatiques, héroïnes de chaque jour, capables de pleurer de joie devant un rosier cuisse-de-nymphe et d'évoquer froidement les effets de l'âge sur des jambes alourdies et des rhumatismes déformants. Mais il lui aura fallu du temps pour oser écrire sur Sido. Elle commence à l'évoquer dans La Maison de Claudine en 1922 avant de la célébrer dans La Naissance du jour six ans plus tard. Avec cette mère magnifique, Colette ouvre la porte d'un monde de sensations et de lyrisme. « Puissé-je n'oublier jamais que je suis la fille d'une telle femme qui penchait, tremblante, toutes ses rides éblouies entre les sabres d'un cactus sur une promesse de fleur, une telle femme qui ne cessa elle-même d'éclore, infatigablement, pendant trois quarts de siècle... » (La Naissance du jour).

Si les Claudine racontaient l'enfance de Colette, elles n'étaient qu'une ébauche pour l'écrivain, qui avait tendance à renier ces premiers livres écrits grâce et avec Willy, son mari-pygmalion. Parler de Sido, raconter cette mère terrienne lui permet en revanche toutes les grâces. Colette fait sortir de son écriture les parfums et les couleurs. On entend sa voix et celle de sa mère, on marche dans le jardin, on écoute les gouttes de pluie sur le toit et le frôlement des pattes de chats sur les dalles de la cuisine. Le village peut renaître, voici le paradis de l'enfance et cette envie d'y retourner encore et encore pour entendre Sido crier devant la maison : « Mais où sont les enfants ! » « Que j'aurais voulu offrir, à cet ongle dur et bombé, apte à couper les pétioles, cueillir la feuille odoriférante, gratter le puceron vert, et, interroger dans la terre les semences dormantes, que j'aurais voulu offrir mon propre miroir de naguère ; la tendre face à peine virile qui me rendait embellie, mon image ! J'aurais dit à ma mère : "Vois. Vois ce que je fais. Vois ce que cela vaut..." » (La Naissance du jour).

Comme le raconte Michel del Castillo dans son ouvrage Colette, une certaine France, Sidonie Gabrielle Colette eut toujours l'ambition de devenir « quelqu'un », cet écrivain qu'elle portait en elle. Elle y parviendra, honorée par les plus grands auteurs, placée à l'égal de Gide ou de Mauriac, après avoir été traitée de frivole uniquement tournée vers l'hédonisme. « Colette peint un monde d'avant le péché, d'avant la culpabilité et la honte, où l'homme et l'animal communient dans une identique recherche du plaisir », évoque Michel del Castillo.

Devenue la dame du Palais-Royal, visitée comme une star, adorant distiller ses paroles, Colette peaufine son image d'auteur sur piédestal, reconnu par ses pairs. On a envie d'oublier ces années trop solennelles, ces obsèques nationales, ces légions d'honneur. Colette reste une enfant de Saint-Sauveur, une gourmande de Saint-Tropez, une rêveuse de Châtillon-Coligny, la main tendue vers une pêche mûre à point, le pied nu dans le sable, un chat qui l'attend sous l'auvent de roseaux, une promesse de fleur... « Colette, c'est la vie, disait Le Clézio, on lit Colette et on oublie les mots, on oublie la barrière du langage écrit, l'auteur, la culture... Ce miracle rejoint un autre miracle, celui du temps de l'enfance. »


Christine Ferniot

Télérama n° 2847 - 7 août 2004
Source: Internet Archive
http://web.archive.org/web/20051106092353/http://livres.telerama.fr...

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